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Prolégomènes à la vie vraie

36. Le détachement comme anti-taches

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Cet idiot d'Ainsisoitil vraiment, ça se voit qu'il n'a pas l'esprit d'équipe. Il n'est pas à son affaire, il joue mal le hors-jeu.
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Il ne s'agit pas de ses actes en eux-mêmes, ni de ses soi-disant bonnes intentions, mais de ses motifs, c'est-à-dire des faux espoirs qui rendent son comportement déplacé. Ce qu'on aimerait qu'il comprenne c'est qu'il a beau avoir les meilleures intentions du monde, il a aussi un motif dont il devrait s'abstenir pour son propre bien-être. En effet, il apparaît que sa problématique est semblable à celle du drogué en but au décalage entre désir et résolution, et que chacun peut expérimenter à l'occasion de ses propres actes manqués. Elle subsistera tant que ses intentions n'auront pas recouvrer leur autonomie motivationnelle. La conscience morale délivrée de ce qui la chatouille pourra alors respirer. Mais il n'est pas aisé de se débarrasser d'un besoin dont on n'a pas besoin, autrement dit de quelque chose qui ne l'est plus. Certains préconisent un artifice mental, le "faire comme si", qui consiste en l'occurrence à faire semblant de ne plus en avoir besoin. Ce qui revient somme toute à ne plus rien exiger d'un membre fantôme. Or, souvent, après le ouf de soulagement qui dénote l'accès à l'air libre, on n'est pas à l'abri de la rechute, et il est fortement indiqué (si l'on se fie aux témoignages des résilients) de ne pas trop jouer avec les sentiments et de les étayer provisoirement avec un discours d'acolyte récemment converti prônant les œillères de l'abstinence la plus radicale. Cela comporte l'inconvénient d'installer durablement l'ancien addict dans une vision discordante de la réalité, dont il devra se défaire s'il veut goûter à nouveau à la saveur de l'harmonie universelle.
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La bonne nouvelle en attendant est qu'il n'est plus question de corriger les bêtises du passé, c'est impossible, ni même d'effacer leurs traces, à quoi bon. L'idée serait plutôt de rengainer les prétextes et de rapatrier les mobiles. Ce qui rejoint la suggestion d'Epictète de ne s'occuper que de ce qui est dans nos cordes. Au fond, ne s'agit-il pas d'appliquer un avatar du bon vieux détachement? Or, le problème avec le détachement c'est qu'il ne faut pas s'attendre (mais le rabat-joie sarcastique ajouterait qu'il fallait s'y attendre) à beaucoup de gratification de la part de l'objet même dont il est justement prescrit de n'attendre aucune gratification. Voilà une manière comme une autre d'envisager le travail du deuil ordinaire lequel s'accorde avec une certaine idée de la durée et de l'instant. On avertira par ailleurs quelques désagréments typiques de l'application d'un désinfectant. Le philosophe recommandera un changement d'air, mais son développement théorique ressemble à s'y méprendre aux digressions d'un arracheur de dent. Il est vrai que lorsqu'on y pense trop, il vaut mieux faire comme si on n'y pensait plus et essayer de penser à autre chose, sans quoi on risque de se réfugier dans un état où l'on ne pense plus du tout. Mais de l'avis général ce serait un maigre bénéfice et un bien triste épilogue. Amen !
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Itinéraire d'une quête philosophique curieuse de ses propres racines: la pensée comme fleur neuroponique et son rôle écologique dans la sphère humaine.
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